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La piste de karting, une histoire très personnelle

Publié le 04/12/2025

Après près de deux décennies au conseil d’administration de l’Automobile Club Luxembourg (ACL), Marc Pannacci s’apprête à tourner la page. Ingénieur passionné, pionnier de la sécurité routière, il revient sur son parcours, ses projets et sa vision de la mobilité.

Le 4 décembre 2026 marque votre dernier conseil d’administration au sein de l’ACL. Comment avez-vous rejoint le club ?

Marc Pannacci : C’était il y a presque 20 ans, en 2004-2005. À l’époque, j’étais directeur du Centre de Formation pour Conducteurs (CFC), que j’avais contribué à créer. Ce projet était unique en Europe : seules la Finlande et la Suède imposaient des cours obligatoires après le permis. Le ministre Robert Goebbels avait eu l’idée de ce centre et voulait l’installer près de Goodyear, où je travaillais comme directeur des relations publiques après avoir été ingénieur en essais pneumatiques. J’ai accepté de devenir le premier directeur du centre. L’ACL était actionnaire, et certains membres me connaissaient déjà. C’est ainsi qu’on m’a proposé d’intégrer le conseil. J’ai accepté sans hésiter, car même si je ne suis pas né dans l’automobile, c’est une passion depuis mon adolescence.

Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter ?

À ce moment-là, il y avait des synergies avec mon président, qui dirigeait l’association des importateurs automobiles. Nous sommes entrés ensemble au conseil. Et puis, j’ai toujours aimé l’idée de contribuer à la sécurité routière et à la formation des conducteurs. C’était une opportunité unique de mettre mon expérience technique et mon engagement au service d’un projet qui avait du sens.

La sécurité routière a toujours été un fil rouge dans votre parcours…

Oui, et ça remonte à un accident grave que j’ai eu à 18 ans, quelques mois après mon permis. À l’époque, pas de ceinture, je roulais dans une Coccinelle… On aurait pu mourir. Ça m’a marqué à vie. J’ai compris que la sécurité, c’est dans la tête, pas seulement dans la conduite. On prend des risques inutiles, surtout quand on est jeune, inexpérimenté et qu’on veut impressionner. C’est là que j’ai commencé à réfléchir à la formation et à la prévention.

On parle beaucoup de « Vision Zéro ». Est-ce réaliste ?

Pour moi, c’est le seul objectif acceptable : zéro tué, zéro blessé grave. Quand on forme des jeunes, il n’y a pas d’autre but. On ne peut pas dire « c’est irréaliste », sinon on baisse les bras. Et puis, regardez les chiffres : en 1970, il y avait 132 tués sur les routes au Luxembourg. L’an dernier, 18. Cette année, un seul accident a fait cinq morts, dont des jeunes. On ne peut pas se contenter de dire « ça ira ». Les accidents ne sont pas une fatalité. Il faut continuer à aller dans ce sens, à aller vers zéro tué et zéro blessé grave.

Quels moyens pour y arriver ?

Tout compte : l’éducation dès le plus jeune âge, la formation après le permis, les infrastructures, la technologie, les contrôles et les sanctions. Les radars, par exemple, ont sauvé des milliers de vies. En France, les morts ont été divisés par deux. Et il faut aussi inculquer la responsabilité : comprendre que conduire, c’est prendre en charge sa vie et celle des autres. Le centre de formation ne sert d’ailleurs pas à apprendre à rattraper une voiture en travers, mais à éviter qu’elle se mette en travers. La vitesse tue, et c’est la vitesse qui met en difficulté. Il y a également la question de la technologie. Les systèmes comme l’ABS ou l’ESP ont sauvé des vies. Mais il ne faut pas croire qu’ils permettent de défier la physique. Je ne suis d’ailleurs pas d’accord avec l’idée que les gens prennent plus de risques sachant qu’ils ont des technologies embarquées qui vont rattraper la voiture. Et puis, il y a les infrastructures : limiter les conséquences d’un accident. Chacun peut avoir une sortie de route, sans que ça soit fatal. Tout est lié et il faut continuellement travailler sur les cinq piliers : l’éducation et la formation, la sensibilisation et la responsabilité, les infrastructures, la technologie et la dissuasion. Les raisons primordiales des accidents sont la vitesse non adaptée, l’alcool et le drogues, la fatigue et de plus en plus la distraction. Il faut le répéter sans cesse, car l’homme oublie très vite.

"... j’ai toujours aimé l’idée de contribuer à la sécurité routière et à la formation des conducteurs."

Pour revenir à l’ACL, en 20 ans, quel a été le plus grand changement ?

Le passage d’un club pour automobilistes à un club pour la mobilité. C’est une évolution majeure. Aujourd’hui, l’ACL ne s’occupe plus seulement des voitures : on parle de piétons, de cyclistes, de voyages, de dépannage à domicile… Le spectre des services s’est élargi. Et ce changement, je l’avais anticipé dès mes projets dans les écoles : il y a 20 ans, j’avais lancé un projet dans les lycées sous le nom « Mobilité et sécurité sur la route », (MSR) pas seulement « sécurité routière ». Pour moi, c’est la plus grande transformation du club.

Et votre projet préféré au sein de l’ACL ?

Il y a la piste de karting, qui a une histoire très personnelle pour moi. J’avais imaginé son tracé à 20 ans ! À l’époque, j’étais encore au lycée et passionné par l’automobile et les circuits. Mon père était architecte, et j’avais dessiné les plans pour un projet ambitieux : un musée automobile avec une piste de karting intégrée. Monsieur Piazza, alors propriétaire du terrain, possédait de nombreuses voitures anciennes et voulait créer un musée. J’avais même conçu les esquisses pour intégrer un espace d’exposition et une piste. Finalement, le musée n’a jamais vu le jour, les voitures ont été vendues, mais la piste est restée.

Quand l’ACL a racheté le site, j’ai remis toutes mes esquisses originales, celles que j’avais faites à 20 ans. Elles sont encore conservées quelque part dans l’ACL. Ce projet est symbolique pour moi, car il marque le lien entre ma passion de jeunesse et mon engagement professionnel. Aujourd’hui, on réfléchit à l’avenir de cette piste, et je trouve ça extraordinaire : la boucle se ferme. C’est un pur hasard, mais aussi une belle continuité.

À l’époque, je rêvais d’être architecte, mais la vie m’a conduit vers l’ingénierie automobile et les pneumatiques. Ce projet de piste est donc un peu le reflet de mon parcours : une passion qui m’a suivi toute ma vie.

Pourquoi quitter le Conseil d’Administration maintenant ?

Normalement, on reste jusqu’à 75 ans. Je pars deux ans avant cette date. J’y avais déjà pensé plus tôt, mais il y a eu une nouvelle directrice et je voulais encore être présent pour cette nouvelle étape du club. Puis on veut rajeunir le conseil, réduire le nombre de membres. C’est bien, mais il faudra garder la diversité des compétences : technique, juridique, financière, sécurité… C’est essentiel pour un club. C’est d’ailleurs ce que j’ai toujours apprécié au sein du Conseil d’Administration : cette diversité des différents membres exposant des points de vue différents et créant ainsi un savoir-faire presque unique pour l’ACL, qui, rappelons-le, n’est pas une entreprise : c’est un club, au service de ses membres. On ne cherche pas le profit, car les actionnaires sont en quelque sorte les membres, mais la qualité des services. Et pour ça, il faut de nouvelles idées variées, c’est dire il faut faire de la place pour les jeunes.

Qu’allez-vous faire maintenant ?

Je ne peux pas dire que le Conseil d’Administration me prenait toutes mes journées. Je ne me suis jamais ennuyé. Mais pour répondre, j’ai plusieurs projets de voyages et je dois restaurer trois voitures. Je vais avoir du temps pour ma famille. Et j’ai toujours aimé apprendre et créer, (donc je suis serein).

Comment voyez-vous l’avenir de l’ACL ?

Le club a pris la bonne direction : la mobilité. Mais l’avenir est complexe : électrique, hydrogène, carburants synthétiques… Les gens sont perdus. Je roule en voiture électrique depuis plus de 10 ans: moins de bruit, moins de pollution, une conduite relax, c’est bien. La voiture va rester indispensable. Le transport individuel ne va plus disparaitre. En revanche la conduite individuelle sera peut-être un jour remplacée par une conduite automatique. Et il faudra aussi penser à la cohabitation dans les villes, aux zones de rencontre, à la qualité de vie. On ne peut plus avoir 20 000 voitures qui passent à 90 km/h chaque jour devant les habitations. C’est une question de confort, mais aussi de sécurité. En résumé, l’ACL doit continuer à conseiller ses membres, à influencer un peu la sphère politique et à défendre surtout la qualité de vie de toute la population.